Article N° 7947
JOURNÉES THÉMATIQUES DE L'ADPA
Accès aux médicaments en Afrique : un dixième des médicaments est contrefait ?
ABDERRAHIM DERRAJI - 27 octobre 2024 21:45L'Association de distribution pharmaceutique africaine (ADPA) a organisé, du 21 au 23 octobre 2024 à Douala, au Cameroun, sa troisième Assemblée thématique sur le thème «Disponibilité et amélioration de l’accès aux médicaments de qualité pour les populations africaines».
Cet événement a été inauguré en présence, entre autres, de Malachie Manaouda, ministre de la Santé publique du Cameroun, Roger Mbassa Ndine, maire de Douala, Samuel Dieudonné Ivaha Diboua, gouverneur du Littoral, et Franck Nana, président du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens du Cameroun.
Cette rencontre a permis, à travers trois sessions, de mettre en lumière le rôle des partenariats public-privé dans la distribution pharmaceutique en Afrique, d’aborder les tendances, défis et urgences du secteur, ainsi que de renforcer le système de contrôle et de régulation sur le continent.
Comme l’a rappelé Lahcen Senhaji, président de l’ADPA : «L'objectif de cette Assemblée thématique est de discuter ouvertement des défis et des opportunités liés à la chaîne d'approvisionnement pharmaceutique en Afrique», avant d’ajouter : «Les recommandations issues de cette Assemblée thématique serviront aux opérateurs pharmaceutiques et aux décideurs des pays où l'ADPA est représentée pour améliorer l’accès aux médicaments de qualité».
L'accès aux médicaments est un enjeu crucial en Afrique, un Continent où les défis en matière de santé sont nombreux et variés. Bien que des efforts constants soient déployés, notamment par des initiatives nationales et internationales, des obstacles majeurs subsistent. Parmi ces obstacles, la prolifération des médicaments contrefaits représente une grave menace pour la santé publique.
Sur les 1.600 milliards de dollars de médicaments consommés à travers le monde, l’Afrique ne consomme que 16 milliards de dollars, soit moins de 2%, et cette consommation varie d’un pays à l’autre. L’accessibilité aux médicaments est souvent limitée par des facteurs économiques, géographiques et logistiques. Dans les zones rurales ou reculées, les infrastructures sanitaires sont sous-équipées, voire inexistantes, limitant l'approvisionnement régulier en médicaments essentiels. De plus, la forte dépendance aux importations entraîne une fluctuation des prix, rendant ces produits inabordables pour une grande partie de la population. En effet, environ 50% des Africains vivent avec moins de 1,25 dollar par jour, ce qui rend l’achat de médicaments difficilement soutenable sans aide extérieure ou subvention.
Des initiatives, telles que la production locale de médicaments essentiels lancée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), encouragent la création de sites de production pharmaceutique. Ces actions visent non seulement à réduire la dépendance de l’Afrique vis-à-vis des importations, mais aussi à renforcer la résilience des systèmes de santé face aux crises sanitaires. Toutefois, la mise en œuvre de ces projets est complexe, en raison du manque d’infrastructures et des ressources qualifiées dans les pays concernés.
La contrefaçon de médicaments constitue un problème sanitaire alarmant en Afrique. Selon l’OMS, environ un médicament sur dix en circulation dans les pays à revenu faible ou intermédiaire serait contrefait ou de qualité inférieure. Les antipaludéens, les antibiotiques et les antirétroviraux figurent parmi les produits les plus contrefaits. Les patients qui consomment ces produits courent des risques graves, voire mortels, car les médicaments contrefaits peuvent être sous-dosés, inefficaces ou dangereux. Par exemple, les antipaludéens contrefaits ont contribué à l'émergence de résistances aux traitements, rendant la lutte contre cette maladie plus complexe. Les médicaments contrefaits aggravent le fardeau des maladies, provoquent des complications supplémentaires et entraînent des coûts supplémentaires pour les familles et les systèmes de santé. Les populations démunies et dépourvues de couverture médicale universelle se retrouvent piégées dans un cercle vicieux de dépenses de santé inabordables, de traitements inadéquats et de conséquences souvent mortelles. Par ailleurs, le commerce des produits de santé contrefaits est orchestré par des réseaux criminels, menaçant la sécurité des chaînes d'approvisionnement officielles.
Pour lutter contre ce fléau, la coopération Sud-Sud est indispensable. Le renforcement des systèmes de régulation pharmaceutique, avec des contrôles de qualité plus stricts et des sanctions plus sévères, est essentiel.
Le lancement de l’Agence Africaine du Médicament en 2019 marque un pas dans la bonne direction, avec pour objectif d’harmoniser les réglementations à l’échelle du continent et de garantir la disponibilité de médicaments sûrs et efficaces pour les populations africaines.
Il est urgent que les gouvernements africains, les organisations internationales et le secteur privé collaborent pour renforcer l’accès aux médicaments authentiques, de qualité et à des prix abordables. En intégrant des initiatives de sensibilisation pour éduquer les consommateurs sur les dangers des contrefaçons, en investissant dans des infrastructures pharmaceutiques locales et en mettant en place une couverture médicale universelle, l’Afrique pourrait espérer une amélioration notable de la santé de sa population et une réduction de sa dépendance aux importations. L’accès aux médicaments dans toutes les régions est étroitement lié au circuit de distribution. L'ADPA ambitionne de jouer un rôle crucial en encourageant la solidarité entre les nations africaines et en favorisant le partage d'expériences entre ses membres, dans le but de mettre en place de bonnes pratiques de distribution des médicaments et des produits de santé dans tous les pays où cette jeune association est représentée.
Source : PharmaNEWS